Mon petit velouté,
C'est toujours avec une grande joie dans mes cuticules que je publie sur ce blog la suite de la fan fiction d'Erika.
Bonne lecture à toi femme d'un jour, femme de toujours.
Made in @ceres |
Jéricho Z Barrons et
l’Ondine sibylline
Extrait
n°17
Deux
jours plus tard, dès les premières raies de lumière annonçant le début de cette
fameuse semaine de célébration, Barrons et Arielle avaient préparé Asgard ainsi
qu’une seconde monture afin d’emporter avec eux le minimum vital. Chacune était
équipée de quelques besaces. Le couple voyageait léger ; ils avaient
seulement besoin de l’autre.
Ils avaient donc chevauché
séparément, mais interrompu leur trajet chaque fois que l’envie de s’éteindre était
devenue insurmontable.
Arielle était une excellente cavalière
qui pouvait conduire un étalon aussi bien qu’un homme. Même si elle ne se
souvenait pas d’avoir un jour cavalé, ni les raisons de cet apprentissage et
encore moins de sa fine dextérité, elle ne semblait faire qu’un avec son destrier
d’un blanc immaculé parfaitement taillé pour son expertise. Bien que de couleur
extrêmement différente, ces deux chevaux s’accordaient parfaitement. Ils
étaient aussi majestueux et racés l’un que l’autre. Ils n’avaient pas le même
profil, mais chacun à sa manière était d’une grâce déconcertante et il se
dégageait d’eux une puissance royale.
Barrons adorait le spectacle que son
Ondine lui proposait, c’est pourquoi il la laissait la plupart du temps ouvrir
le chemin. Néanmoins, il se plaçait suffisamment proche d’elle afin de
contempler son corps athlétique se mouvoir sur un tel pur-sang, sa généreuse
poitrine se soulever au gré des galops et ses cheveux danser dans le souffle
irrégulier du vent. Les sabots de l’animal battaient fougueusement mais
gracieusement la terre, ce qui soulevait des tourbillons de poussière entourant
Arielle d’un halo brun. Ce ballet était d’une grande sensualité et n’était pas
sans lui rappeler la manière bien personnelle que son Ondine avait de se
cambrer lors de ses assauts sexuels.
Leur besoin viscéral respectif
de contact du corps de l’autre se fit ressentir à de nombreuses reprises. Ces
interludes coquins retardèrent considérablement leur arrivée au chalet. En
général, lorsque Barrons faisait galoper Asgard dans un rythme soutenu et ne
s’accordait qu’une courte pause, le voyage ne durait qu’une demi-douzaine
d’heures. Celui-ci en revanche fut bien plus long... Mais ils n’en avaient que
faire ! L’essentiel pour eux étaient de s’aimer, peu importe où ils se
trouvaient ; peu importe les conditions climatiques traversées ; peu
importe la clarté s’affaiblissant de plus en plus tôt durant cette partie de
l’année, d’autant plus que ce jour-là le soleil était éclipsé par d’épais
nuages ; peu importe la situation environnante, ils n’éprouvaient nul
autre besoin que d’être ensemble !!!
Ils étaient insatiables l’un de l’autre
et n’en avaient jamais assez. C’était la première fois que Barrons connaissait
une telle sensation, il en allait de même pour Arielle.
Eux qui habituellement
appréciaient d’admirer le paysage naturel offert à leurs yeux, ils n’y
prêtèrent ce jour-là nulle attention. Ils étaient tout simplement subjugués
l’un par l’autre. Ce n’est que lorsque Arielle émergea d’un énième embrasement
des sens qu’elle accorda une œillade à ce qui l’entourait. Détourner le regard
de son homme fut difficile, mais ce qu’elle découvrit la sidéra au point de lui
couper le peu de souffle qui lui restait.
Ils venaient de s’aimer
dans une cavité sous les chutes d’une grandiose cascade à plusieurs étages surplombant
la vallée. Sans qu’elle ne s’en aperçoive, ils en avaient parcouru du chemin
malgré les nombreux arrêts…
Barrons l’avait naturellement menée
grâce à son instinct développé vers cette excavation intime et reculée de la
vallée. Il connaissait bien ce coin pour y venir régulièrement. Ce n’est plus
un secret désormais, il affectionnait particulièrement les espaces naturels.
Arielle, quant à elle, ne savait pas si son attirance pour l’eau était récente
ou lui provenait de son ancienne vie, mais elle ne se sentait jamais aussi bien
que près de celle-ci et de Barrons bien entendu. Alors lorsqu’elle additionnait
les deux, son plaisir était indéniablement et infiniment décuplé. Elle cerna
ainsi la source de l’incroyable jouissance qu’elle venait d’éprouver. L’énergie
aquatique la rendait encore plus sensible, sensuelle et déchaînée. Enfin… comme
si c’était possible ! Mais, elle devait l’admettre, elle ressentait une
profonde connexion avec cet élément. Elle captait la force tranquille des
courants d’eau aussi bien les violents comme ceux des océans bordant l’Écosse que
ceux plus modérés des ruisseaux ou encore ceux plus modestes des Lochs.
Lorsqu’elle était
parvenue à se défaire de l’emprise possessive de Barrons, elle s’était levée et
approchée des coulées diluviennes qui se déversaient dans le bassin en
contrebas. Ils se trouvaient en hauteur mais n’étaient pas au point culminant
de la cascade. Elle se demanda comment elle avait pu ne pas entendre le bruit
tonitruant qu’occasionnaient ces chutes. À sa décharge, son bien-aimé et
elle-même étaient très affairés et grognaient peut-être tout aussi fort que
cette pluie qui s’abattait une cinquantaine de mètre plus bas. Mais tout de
même ! Était-elle ensorcelée pour se couper à ce point de la vie
environnante ?
Elle tourna alors le regard énamouré vers
l’objet de sa convoitise qui lui faisait perdre la raison. Elle fut d’abord
désagréablement surprise de constater qu’il n’était plus à la place où elle l’avait
laissé l’instant précédent. Tel un coup de poignard en plein cœur, remarquer
l’absence de Barrons l’avait soudainement alarmée et angoissée car cet
emplacement vide lui rappela ses anciennes dérobades. Puis, la seconde
suivante, sentir les bras virils de son homme l’encercler sous son opulente
poitrine et poser son menton sur son épaule dénudée la submergea d’une vague
d’amour. Cet élan de tendresse de la part d’un homme pourtant si sauvage de
nature la ravit ; ses jambes encore fébriles de leurs ébats en faiblirent
d’émotions. Barrons resserra aussitôt son étreinte et elle perçut la nudité de
son compagnon pressé contre son propre corps libre de tout artifice.
Leur contact peau à peau était devenu
une nécessité absolue pour Arielle. Une poignée de jours avait suffit à rendre Barrons
tout aussi vital que l’air respiré. Cette délicieuse sensation lui encouragea
une pensée érotique, son corps s’enfiévra, elle s’apprêtait à laisser libre
cours à son envie naissante quand Barrons approcha sa bouche au niveau de son
oreille. Elle sentit ses lèvres douces effleurer l’arrière de celle-ci, son
souffle lent et régulier contre sa nuque que Barrons venait de dégager de trois
doigts habiles mais volontairement flâneurs. De cette même main, il lui lissa
cette mèche repoussée sur l’autre épaule. Arielle frissonna. Elle supplia
mentalement cette bouche expéditrice de s’ouvrir et de laisser sa langue
experte s’amuser le long du pavillon, ses dents mordiller son lobe et… Et, Barrons
interrompit expressément la rêverie lascive de son Ondine. Il commençait à
connaître le corps d’Arielle et n’avait pas besoin de rencontrer son regard
incendiaire pour savoir qu’elle le désirait. Comme s’il voulait délibérément
l’exciter un peu plus il s’approcha davantage de son orifice auditif et lui
murmura d’une voix des plus sensuelles :
– Arielle, tu n’es
jamais aussi exquise que quand tu ne portes rien ou…
Il marqua intentionnellement une pause
pour appuyer son propos. Arielle, déjà assujettie par l’érotisme de la
situation, était sur le point de fondre quand son homme poursuivit sur un ton
ensorcelant, rauque et autoritaire :
– ou plutôt seulement l’empreinte
de nos ébats !
Arielle se ressaisit aussitôt et se
raidit, que voulait-il dire par « l’empreinte de nos ébats » ?
Elle s’écria :
–
Que dis-tu Barrons ? Qu’est-ce que tu sous-entends ? Tu… tu n’oserais
pas me… tu…
Barrons ne comprenait pas l’emportement soudain
et démesuré de celle-ci. Lui qui, une fois n’est pas coutume, adressait un
compliment gratuit, qu’il était stupide, qu’il…
Arielle se dégagea de l’emprise des bras
de Barrons tout en signifiant son mécontentement et enchaîna :
–
Je t’en prie, ne me dis pas que tu couches avec moi, uniquement dans le but de
contrarier Hawk car sinon…
–
Qu’est-ce que Hawk vient foutre ici Arielle ? s’énerva-t-il.
–
Euh… eh bien cette histoire ridicule d’empreinte, de marque, euh, je…
–
Quoi ? hurla-t-il.
Barrons était très agacé qu’Arielle
songe qu’il « couchait » avec elle pour des raisons de rivalité
masculine !
Je
ne lui démontre pas assez que j’envisage un autre type de relation avec
elle ?! Mais que faut-il faire pour contenter une femme ?
Le
mariage ? C’EST HORS DE QUESTION !!!
ENFER, cette femme est en train de me
perdre, de me tuer, comme si c’était possible !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Est-ce là la solution au terme de mon immortalité ????????? Non, mais…
Arielle coupa court à
ses jacasseries intérieures en essayant vainement de s’expliquer :
– Je… euh… je pensais
que…
– Eh bien cesse de
penser Arielle, ça ne te sied pas très bien Lass Rayna ! lui asséna-t-il,
un soupçon de sourire narquois suspendu aux lèvres.
Ils se toisèrent autant que possible
puis éclatèrent d’un rire franc ! Arielle réussit rapidement à
articuler :
–
Je te déteste Jéricho Barrons !
–
La réciproque est on ne peut plus vrai Lass Rayna !
–
Och, aye ?
–
Bien entendu ! Tu sais bien que l’unique but de mon existence est de
pourrir la vie de Hawk. Je m’y emploie chaque jour. Je dois même donner de ma
personne pour exceller, c’est éreintant à la longue !
Barrons proféra ce mensonge dans une
intonation si placide qu’Arielle ne sut pas s’il la chinait ou bien s’il était
sincère. Il lut son désarroi dans ses prunelles et décida de la charrier encore
un peu :
–
Pourquoi crois-tu que je m’évertue à si bien te faire l’amo…, euh à te bais…
–
Och, suffit Jéricho Barrons, l’humour à ses limites, tu n’as pas besoin de
devenir outrancier !
Il s’était trahi par l’expression qui
s’était, malgré elle, échappée de son cœur ! Arielle, bien qu’incrédule
concernant les sentiments de son bien-aimé, comprit alors que cette carapace si
épaisse à l’origine était en train de céder. Mais pour l’heure, elle n’avait
pas besoin de le déstabiliser davantage. Le pousser trop loin sur ce chemin
aurait parfaitement pu le faire fuir définitivement. Arielle était suffisamment
intelligente pour apprécier ce qui était à sa portée dans le moment présent.
Elle devait apprivoiser cet homme dont la grandeur d’âme était à la hauteur de
son sale caractère. C’était une femme patiente, elle savait pertinemment que briser
violemment les murailles emprisonnant le cœur de son homme pourrait le
détruire. Maintenant qu’elle était certaine que Jéricho avait une âme, sa quête
personnelle serait de la faire sienne pour toujours, puisque la sienne lui
appartenait déjà !
Arielle
reprit sa place au creux de son giron comme si les paroles désagréables
échangées étaient effacées.
Jéricho s’apaisa immédiatement, oubliant
l’objet de leur querelle. Ils restèrent ainsi un court instant, puis il
chuchota au creux de son oreille comme s’il craignait être surpris :
– Viens Arielle,
approchons-nous du rebord de la grotte. Tu vas voir, d’ici la vue est indescriptible,
c’est juste…
Elle se déroba de son étreinte, lui prit
la main et l’invita d’un regard bienveillant à la conduire à cet emplacement
privilégié. Il dénoua alors leurs doigts enlacés, se plaça derrière elle puis de
ses grandes mains, la priva de la vision.
–
Fais-moi confi… Arielle, euh… as-tu… euh… Ar…, bredouilla-t-il penaud, comme un
enfant qui a besoin d’être rassuré.
Arielle, espiègle, avait envisagé de protester
sarcastiquement mais ressentit au plus profond d’elle-même la sincérité et la
fêlure de l’homme qu’elle aimait plus que sa propre vie.
Barrons avait besoin de connaître les
pensées intimes d’Arielle, c’est pourquoi il tenta de se reprendre :
–
Arielle, as-tu confi…
– Lord Jéricho Z
Barrons j’ai entièrement confiance en vous ! Je te confierai ma vie
Jéricho !!! Maintenant, fais-moi découvrir le paysage avant que la nuit
finisse par nous dérober la vue pour les heures à venir !
Sous ses doigts crispés, Jéricho
appréhenda le sourire authentique et radieux qui détendit l’ensemble du visage
de son Ondine. Son sublime faciès devait rayonner bien davantage que le soleil
couchant de cette heure tardive. Même s’il n’était pas témoin d’un tel
spectacle, il éprouva dans son cœur un pincement qui donna un violent coup
supplémentaire à sa carapace. Un juron des plus grossiers s’arracha des
tréfonds de ses entrailles mais fut rapidement balayé par une sensation
chaleureuse. Arielle n’en dit rien mais perçut le relâchement émotionnel de son
homme !
Il la guida sur quelques mètres puis
s’immobilisa. Il ne retira cependant pas tout de suite ses mains comme s’il
voulait s’assurer qu’Arielle pouvait d’abord capturer avec ses autres sens l’authenticité
de ce lieu si chargé énergétiquement. En effet, les montagnes des Highlands
étaient réputées pour l’incommensurable source de puissance qu’elles
dégageaient. C’était d’ailleurs non loin de là que de célèbres druides, la
lignée des McKeltar, depuis des siècles se réunissaient chaque année, à cette
même période, pour accomplir un rituel de la plus haute importance pour le bon
fonctionnement du monde.
Quelle ne fut pas la surprise de Jéricho
lorsqu’il pressentit que ses paumes étaient humides. Les chutes de la cascade,
même si les projections les atteignaient, n’étaient certainement pas la raison
de cette sensation. Il ôta alors ses mains, retourna sauvagement Arielle et
découvrit avec horreur que ses larges mains étaient mouillées par les larmes
déversées par une femme qui n’avait encore rien vu ! Il lui encercla
fortement les deux poignées, la secoua plus fermement qu’il ne l’aurait
souhaité et s’inquiéta :
– Tout va bien mon
Ondine ? Que t’arrive-t-il ? Que… Parle Arielle, dis-moi… Qu…
Arielle ???
Pour toute réponse, la jeune femme,
pantoise, ne put que tourner la tête de gauche à droite comme si l’émotion
tellement intense et débordante l’empêchait de s’exprimer. Malgré l’emprise
serrée de Barrons, grâce à une force incroyable, elle parvint à démenotter ses
mains. Elle se jeta alors contre le torse de celui-ci l’encerclant de ses
minces bras avec une telle force que Barrons en faillit et manqua de peu de
tomber. Il la serra contre son cœur aussi tendrement qu’il put. Il éprouva son
bouleversement comme si c’était le sien, mais n’en saisit pas la raison.
Quelques secondes plus tard, secondes qui lui parurent une éternité et pourtant
il sait ce qu’est l’éternité, il insista :
– Mais que
t’arrive-t-il Arielle, ma douce ? … Réponds-moi Arielle… Arielle, je t’en
prie, tu me tues !
Arielle se recula et planta ses yeux,
ses si magnifiques et profonds yeux, dans ceux plus sombres de Jéricho. Des
larmes perlaient entre ses cils et elle ne cherchait même pas à les retenir.
Elle les laissait s’écouler tels de vigoureux torrents labourant ses joues
rosies. Toutefois, son visage demeurait d’une exceptionnelle splendeur. Barrons
ne décelait aucune tristesse mais plutôt un sentiment joyeux. Il ne comprenait
pas les tenants de cette situation. Il était déconcerté par l’excentricité de
l’attitude d’Arielle.
–
Je… euh… c’est très étrange, je… je ne comprends pas… je… euh…, balbutia
Arielle entre deux sanglots.
– Arielle, je ne saisis
pas un traître mot de ce que tu marmonnes, gronda-t-il.
À aucun moment elle n’avait détourné son
regard de celui de Barrons qui était de plus en plus contrit.
–
T’ai-je d’une quelconque manière blessée de nouveau Arielle ? … Je ne te
suis plus, je ne comprends pas… Qu’ai-je encore pu faire de mal ? Qu’ai-je
fait de mal cette fois-ci ? … Réponds-moi, souffla-t-il suppliant que
lumière soit faite.
–
Och, nay Barrons, tu n’y es pour rien ! Tu… non ! Ne crois pas que tu
es le seul tourment de mon insignifiante vie !
–
Je t’interdis de parler ainsi ! Ta vie n’est pas insignifiante !
– Tu m’as pourtant fait
comprendre à de nombreuses reprises que j’étais insignifiante !
– Och, les femmes, je
ne les comprendrai jamais. Mais pourquoi le créateur a-t-il inventé une espèce
aussi compliquée ?! … Tu me désespères Arielle, tu le sais ça ?
– Aye, Barrons, j’ai
cru comprendre. Excuse-moi mon amour, je ne voulais pas, je…
– Qu’as-tu dit ?
– Que je ne voulais
pas…
Frappée par l’absurdité du surnom donné
malgré elle, elle rougit et rompit leur très longue œillade en baissant
honteusement la tête.
– Nay, pas ça, peux-tu
répéter ce que tu as dit ? … ce que tu as dit avant… Arielle, s’il te
plaît, cesse tes enfantillages.
– C’est toi qui parle
d’enfantillages ? Peut-être que si je suis incapable de répéter mes
paroles c’est que je crains que…
– Que crains-tu hein
Lass ? … Ne t’ai-je pas demandé si tu me faisais confiance ? Ne
m’as-tu pas répondu que tu me confierais ta vie ? … Et non ta vie n’est
pas insignifiante, enfin… elle ne l’est plus depuis… depuis que j’ai trouvé en
toi la maîtresse que je cherchais depuis des siècles !
Barrons s’était emporté et avait révélé
bien plus qu’il n’aurait voulu, c’est pourquoi il avait fini par tourner à la
dérision ses paroles. Mais à son plus grand soulagement, Arielle ne releva pas.
Elle se contenta de lui porter un petit coup à la poitrine puis elle posa
délicatement sa main droite au niveau du cœur de Barrons. Il déposa alors une
des siennes dessus tout aussi précautionneusement et l’interrogea :
–
Quand vas-tu me dire ce qui te met dans cet état ?
–
C’est… euh… c’est compliqué, je ne comprends pas très bien, je…
–
Pourrais-tu essayer au moins d’être plus claire ?
–
Nay, justement, je n’y arrive pas. Je me suis sentie submergée par une émotion
que je ne sais pas identifier. Comme si… comme si j’étais exactement là où je
dois être. Je ne comprends pas Jéricho. J’ai l’impression d’être chez moi ici
alors que je n’ai toujours pas vu le paysage que tu apprécies tant. Et puis,
j’avais des images… des images incompréhensibles, des images de lieux, de
visages flous qui passaient l’éclair d’une seconde devant mes yeux pourtant
clos par tes mains. J’éprouvais des sensations et impressions surprenantes,
certaines agréables, d’autres beaucoup moins. Je…
Arielle tourna alors la tête et elle
s’illumina sur-le-champ d’une manière inconnue jusqu’alors pour Barrons. Une
expression qu’il ne lui connaissait pas s’inscrivit sur son visage, même une nouvelle
aura se dessina autour de cette femme transformée par la vision de la vallée
qui s’offrait à ses yeux.
Il ne savait pas ce qui était le plus
beau : admirer Arielle en train de contempler le décor ou bien le décor
lui-même. Il en restait sans voix, lui qui avait la répartie qui dégainait
souvent plus vite que son ombre. Sa bouche demeurait ouverte sans pouvoir
prononcer aucun son.
Sous
les yeux ébahis d’Arielle se dévoilait une chaîne montagneuse qui atteignait
des hauteurs extraordinaires. Seuls les pics étaient enneigés, bien qu’il
s’inviterait très bientôt, l’hiver ne s’était pas encore installé. Plusieurs
Lochs assez étroits se dessinaient au loin. Quant à la cascade que la caverne
dominait quasiment, elle était juste incomparable. D’innombrables bosquets de
pins sylvestres, bien que très finement pourvus d’aiguilles ainsi que de chênes
dont les feuilles s’étaient teintées des couleurs automnales, s’étendaient sur
des centaines de kilomètres. La cime des arbres était hautement perchée.
Ils demeurèrent dans
cet état anagogique et dans cette position méditative de longues minutes, l’un subjugué
par la vue, l’autre par le tableau de celle qui se perdait dans les abimes de
sa contemplation. Le soleil ne cessait de descendre à l’ouest et dans quelques
secondes, il ne serait plus qu’un souvenir dissimulé par le relief montagneux.
La clarté ne cessait donc de diminuer. Dans une heure environ, la pénombre régnerait
sur les Highlands.
Ils décidèrent de
passer la nuit dans cette concavité qui proposait un refuge certes
rudimentaire, mais très plaisant.
Malgré la nuit
dépouillant au moins un des deux de la vue, ils étaient comblés d’être ensemble
dans un lieu reculé et à l’abri de toute forme humaine ou autre.
Ils pouvaient continuer de s’aimer en
paix dans un lieu qui paraissait troubler Arielle plus que de raison, mais pour
le plus grand plaisir charnel de Barrons…
h
Le
lendemain matin, ils observèrent le soleil se lever sur la vallée ; ce
spectacle ravit autant Barrons qu’Arielle. Ils partageaient cet intérêt pour les
éléments naturels et étaient tous deux sensibles à leurs manifestations.
Arielle souhaitait se
rafraîchir à partir d’une eau de source, faire un brin de toilette puis, découvrir
les divers sentiers qu’offrait ce lieu magique. Ils entreprirent donc de
descendre la roche gravie la veille. Non sans regret, Arielle jeta une dernière
œillade à ce cocon qui les avait modestement accueillis mais qui témoignait
encore de leur chaleureuse entente corporelle.
Arrivée au pied de la falaise, lorsqu’Arielle
leva les yeux pour admirer la cascade dans son intégralité, elle fut
émerveillée par la hauteur et la majesté de celle-ci. Elle songea alors qu’au creux
de ces fascinantes chutes d’eau, existait un antre des plus insolites…
Pendant
des heures, ils avaient exploré, parfois à dos de cheval, d’autre fois à pied,
le parc naturel de cette zone des Highlands. Ils avaient finalement décidé de
ne pas se rendre au chalet, ils préféraient arpenter les vallons et vivre à
l’état naturel. Arielle pouvait se passer du confort d’une maisonnée. Elle
était bien plus à son aise ici qu’au château. Le traitement était assurément
très agréable, mais vibrer au rythme de la nature, malgré des températures
basses, lui convenait parfaitement. La perspective de demeurer au grand air
quelques jours la remplissait de joie. D’autant plus que la liberté que
procurait la vie à l’état sauvage n’était pas pour déplaire aux besoins
viscéraux de ces deux-là qui pouvaient s’abandonner à leur frénésie sensuelle. Ils
ne souffraient pas du froid, puisque d’une part, ils étaient vêtus en
conséquence, enfin… quand ils étaient habillés ! Depuis leur départ de
Dalkeith, ils n’avaient pas énormément porté leurs vêtements. Et d’autre part,
la chaleur humaine dégagée par leur passion débordante était bien plus réconfortante
que celle de la laine de leurs habits ou bien de la fourrure de leurs longues
capes. Celle de Barrons, d’une taille exceptionnelle compte-tenu de sa hauteur,
abritait parfois leurs ébats ainsi que leur repos.
Ils
passèrent cette deuxième nuit à la belle étoile et lorsqu’ils n’étaient pas
occupés à se caresser, ils admiraient le firmament dévoilant de nombreux
astres, même si la lune elle, n’était pas de la partie. Ce ciel dénué de nuage présageait
d’une journée radieuse dans les quelques heures qui les séparaient du dernier
jour du mois d’octobre.
Ces vingt-quatre heures sont sacrées
pour ceux qui sont conscients de la fragilité des murs entre le monde visible
et celui de l’invisible. Dans les régions des Highlands, peu de personnes étaient
réellement coutumières de l’origine de cette fête de Samhain. Mais, depuis des
siècles, le 31 octobre, les druides McKeltar, renforçaient la limite entre ces
deux univers.
La clarté commença à
inonder la vallée et sortit de leur sommeil les deux amants repus.
Un nouveau jour rempli de promesse se
levait…
Arielle
et Barrons cheminaient depuis des heures à travers les landes de bruyères,
quand ils décidèrent de faire une halte près d’un Loch afin de pêcher de quoi
se nourrir.
Alors que Barrons donnait quelques soins
aux chevaux qu’il laissait libres de se mouvoir à leur bon vouloir, il entendit
un rugissement puis Arielle hurler. Sans même se poser une seule question, il avait
atteint le bord du rivage. Il avait alors levé la tête et, amusé par la scène
qui se dessinait devant lui, il éclata de rire lorsqu’il découvrit Arielle
effrayée par un Boobrie[1].
S’élançant nue et totalement confiante
dans l’eau, elle avait été terrorisée par cet oiseau aquatique qui s’était posé
avec fracas sur un rocher à trois mètres d’elle. Elle avait alors couru hors de
l’eau se réfugier derrière une minuscule pierre. Et, l’observer nue, apeurée et
ridiculement cachée avait éveillé une forte hilarité chez Barrons qui s’en
écroula à terre. L’attitude si désinvolte de son bien-aimé rassura Arielle qui
comprit alors qu’elle ne craignait rien de ce pseudo-canard, qui ressemblait à
s’y méprendre à un Plongeon Huard[2].
Cependant, son pelage noir était recouvert de tâches blanches étranges, dont
une avait une forme carrée tandis que toutes les autres étaient plus ovales.
Son rugissement quant à lui n’avait rien du cancan d’un canard ordinaire.
Visiblement, Barrons surestimait la
perfidie de cet animal mythique.
Encore riant, il se
dévêtu et rejoint Arielle détendue. Il attrapa d’une main le filet improvisé
confectionné récemment pour capturer des poissons, puis encerclant de son autre
bras la jeune femme par la taille, il la souleva et la porta aisément alors
qu’il courait vers l’eau pour s’y jeter dedans avec fougue. Arielle se
débattait et criait, mais seulement d’amusement. Une fois submergés par l’eau
cristalline du Loch, ils se mirent à rire à gorge déployée faisant fuir
l’animal qui avait tant épouvanté Arielle.
Tout en essayant de
pêcher, ils batifolaient comme deux jeunes enfants encore innocents. La
sauvagerie, l’amertume et les disputes qui avaient suivi leur rencontre trois
mois plus tôt étaient remplacées depuis deux jours par une gaîté sans limite.
Barrons ne s’était jamais montré aussi
enjoué et taquin dans le but de s’amuser et non d’être railleur. Il ne se
connaissait pas si mièvre, mais il l’assumait ici dans l’intimité d’un rempart
montagneux. Il l’admettait, il passait des moments très agréables et pas uniquement
lorsque son corps comblé des besoins qui lui avaient jusque là paru jamais
entièrement satisfaits.
Il était H.E.U.R.E.U.X. !!!
Ils avaient donc passé
ces deux derniers jours, à se promener au pied de ces majestueuses montagnes.
Ils rencontrèrent au hasard de leur chemin de nombreux Lochs, des cascades
toutes plus fastueuses les unes que les autres, d’immenses forêts… En effet, Barrons
entraînait Arielle sur les sites qu’il appréciait plus particulièrement. Les
Highlands n’avaient aucun secret pour lui, il les parcourait depuis tellement
de temps. D’aussi loin qu’il se souvienne, il avait toujours vécu en Alba[3].
Les terres de l’Écosse jouissaient d’un folklore féerique développé et étaient
énergétiquement très chargées. Sa bordure côtière, ses chaînes montagneuses,
ses forêts de type boréal calédonien et de caduques ainsi que la mémoire
séculaire d’un peuple féerique mené par la Déesse Dana conféraient à cet archipel
une dimension magique particulière.
Arielle s’émerveillait
de tout ce qu’elle découvrait, elle était totalement éprise de cet époustouflant
décor naturel. En fin d’après-midi Barrons l’avait conduite sur le lieu où, ce
matin même, les druides McKeltar actuels avait très certainement accompli leur
rituel. Lors des cents derniers mètres à parcourir pour approcher ces pierres
levées, Arielle s’était sentie submergée d’une émotion excessive. Sans un seul
mot, elle avait alors immobilisé son cheval, était descendue et lentement, d’un
pas mal assuré s’était dirigée vers le cercle des menhirs de Ban Drochaid. Alors
qu’elle ne se tenait plus qu’à cinq mètres de ce périmètre sacré, elle
s’effondra genoux à terre. Barrons s’empressa d’accourir vers elle.
Il soupçonnait l’effet spectaculaire que
ferait cet endroit à son Ondine. C’est pourquoi, sans l’avoir informée, depuis
le matin, ils effectuaient un parcours très précis. Il avait tenu, sans le lui dévoiler,
à se rendre ici en ce jour de fête juste avant la soirée. Il ressentait
l’énergie encore présente du rituel réalisé et pressentait qu’Arielle aussi. À
en juger par sa réaction, il avait raison. Les mêmes chaudes et abondantes
larmes que sur la falaise surplombant la cascade, se répandaient sur ses joues.
Et pourtant, Arielle était plus rayonnante que jamais. Elle arborait exactement
la même expression que lorsqu’il l’avait menée aux abords de la grotte qui
donnait une vue d’ensemble à la vallée qu’ils exploraient depuis. Arielle avait
très certainement un puissant lien avec les montagnes, le druidisme, sans
compter qu’elle était également et incontestablement attirée par l’énergie
aquatique.
Barrons espérait secrètement lui faire
recouvrer des bribes mnésiques. Sa réaction extrême dans la grotte lui avait
soufflé l’idée que ces pierres levées étaient peut-être en rapport avec son
passé. D’autant plus qu’elle n’expliquait pas son ressenti. Or, Arielle, était
peut-être dépossédée de son passé, mais certainement pas de sa joute. Elle le
lui avait prouvé à maintes reprises !
Son intuition se révéla donc correcte.
Il s’agenouilla près d’elle et l’enlaça tendrement. Toutefois, il garda le
silence pour respecter le recueillement d’Arielle.
Barrons, même s’il
était déférent des traditions gaéliques, ne s’investissait pas outre mesure
dans la diffusion de ces us et coutumes. Pourtant, il ne cessait d’être
confronté à la puissance des terres écossaises mais préférait ne pas y attacher
une importance démesurée. C’était un sujet qu’il n’évoquait pas, il refusait de
participer à la mascarade ambiante que le peuple gaël, par méconnaissance, galvaudait.
Il avait parfaitement conscience que les êtres humains, les animaux et les
végétaux n’étaient pas les seuls à vivre dans ces contrés et que des situations
singulières se produisaient très souvent. Ils avaient régulièrement croisé des
créatures fantastiques. Mais, demeurait une interrogation qu’il prenait soin de
totalement ignorer : qu’en est-il de lui-même ? Depuis des siècles,
il refoulait très profondément cette question. Il ne tarderait plus trop à
obtenir, malgré lui, un début de réponse !
De longues minutes
s’égrainèrent avant qu’Arielle ne se décide à se relever accompagnée par le
soutien chaleureux de son bien-aimé. Elle le prit par la main et le guida vers
le cercle de menhirs. Sans échanger un seul mot, ils s’établirent au centre.
Arielle desserra leurs doigts noués et plaça ses bras écartés au niveau de sa
taille paumes ouvertes vers le ciel. Elle leva le visage de façon à accueillir
les rayons du soleil couchant. Elle ferma les yeux et demeura encore quelques
minutes ainsi. Puis, elle se retourna vers Barrons et l’interrogea d’un air
radieux, d’une voix amoureuse :
– Mon cher Jéricho,
quelle est notre prochaine destination ?
En guise de réponse, il
la décolla de terre, la prit dans ses bras et la colla contre son torse. Il
avait justement interprété sa demande qui indiquait qu’elle n’était pas prête à
lui expliquer par quelle opération mystique elle venait d’être frappée. Il ne
souhaitait donc pas, en raison de mots futiles, gâcher ce moment. Il préférait
prolonger cette connexion que lui-même avait ressenti dans les tréfonds de ses
entrailles mais également au plus profond de son cœur. Et encore un coup porté
à sa muraille !
Il porta Arielle, tout en prenant soin
de ne pas briser l’œillade intriguée mais sentimentale qu’ils échangeaient
depuis qu’il l’avait soulevée, jusqu’à Asgard. Il la hissa sur le dos du
pur-sang et sans un mot, il dénoua les besaces transportées par celui-ci et les
attacha à la monture d’Arielle. Ainsi, ils pourraient chevaucher ensemble
jusqu’à la dernière étape de cette incroyable journée. Effectivement, Barrons
ne supporterait pas d’être éloigné un seul instant de celle pour qui il
commençait à nourrir de sérieux sentiments. Même si cette idée lui déplaisait,
il n’avait plus envie de se berner. Il était venu le temps de s’avouer sa
perte !
Une sensation étrange
alerta l’instinct sur-développé de celui-ci, mais il choisit de ne pas lui
accorder la moindre importance. Il pensait illusoirement que c’était sa petite
voix qui tentait de se frayer un chemin dans son cœur pour semer un doute
pernicieux et dissiper la félicité fraîchement conquise.
Arielle observa le même
silence pendant la trentaine de minutes que dura le voyage, profitant ainsi d’être
dans les bras de celui qu’elle aimait de plus en plus, jusqu’au moment où
apparût une éminente falaise.
– C’est
splendide ! Allons-nous passer la nuit ici ? ne put-elle s’empêcher
de rompre leur long mutisme.
– Aye Arielle. Et
demain, nous serons réveillés, enfin si nous dormons cette nuit, car j’ai prévu
de te tenir occuper une bonne partie de celle-ci… bref, nous pourrons admirer
le soleil se lever au dessus de l’océan.
– Merci Jéricho !
– De quoi me
remercies-tu Arielle ? J’ai beau avoir une stupéfiante influence, je n’en
suis pas encore à contrôler les cycles solaires ! ria-t-il.
– D’être toi… De… euh…,
de t’ouvrir à…
Il interrompit
sauvagement la reconnaissance d’Arielle par un baiser des plus féroces, lui
signifiant ainsi qu’il n’était pas encore prêt à s’aventurer sur ce chemin là.
Ils se perdirent rapidement dans le feu
de la passion mais Barrons parvint tout de même à les faire descendre d’Asgard
sans quitter les lèvres fiévreuses d’Arielle. Une étonnante prouesse…
Ils s’aimèrent alors dans une sauvagerie
exemplaire mais jouissive pour chacun d’eux.
Pendant leurs câlins,
la pénombre avait totalement chassé la moindre zébrure de lumière et la
température avait nettement diminué. Enfoncés dans la forêt reculée près d’une
falaise, le froid était sec, ils s’étaient donc parés en conséquence. Ils
avaient même dû se recouvrir de leur cape, ce qui contrariait Barrons qui ne
devinait que trop modestement les courbes de sa partenaire qu’il aimait tant.
Tandis qu’il était en
train de préparer un feu de camp afin d’offrir une humble clarté à Arielle et
ainsi, de ne pas trahir sa nyctalopie, il n’était pas prêt non plus à se
dénuder à ce point, une vision d’horreur l’assaillit !
Aucune ombre n’était
venue obscurcir leur bonheur actuel jusqu’au moment où Barrons découvrit son
Ondine s’apprêtant à monter sur un cheval qui n’était ni Asgard, ni le sien… Et
il était bien trop loin pour intervenir à temps !
Une rage l’envahit aussitôt et il sentit
un poison se répandre dans ses veines.
***
[1] Boobrie : Animal aquatique mythique ressemblant à un canard.
[2] Plongeon Huard : Espèce de gaviidé de grande taille (oiseaux
aquatiques).
[3] En langue gaélique :
l’Écosse.
C'est toujours un immense bonheur de te lire ma cherie, un moment de bien etre pur et intense...merci pour toutes ces emotions que tu fais passer, merci pour ces instants d'evasion, merci pour ton imagination fertile et tes mots si bien choisis...
RépondreSupprimerOn attend la suite bien evidemment...